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La SAINTE VEHME

Myosotis Lutèce Sainte Vehme

La Sainte-Vehme était une société secrète d'inspiration chrétienne créée en Westphalie au  XIIIème siècle et active jusqu'au début du XIX ème siècle.

Son nom vient du néerlandais veem (corporation). L'institution prétendait agir au nom du Saint-Siège.

 

Son apparition coïncide avec les troubles qui suivent, en 1254, la mort de Conrad IV de Hohenstauffen, empereur d'Allemagne : la vacance de la monarchie centrale, la lutte entre les maisons de Habsbourg et de Luxembourg, le pillage des domaines de la couronne et la division du clergé permettent aux seigneuries locales et aux villes d'acquérir une autonomie politique, conduisant à l'explosion politique de l'Empire allemand.

 

L'objectif de la Sainte-Vehme était de contrebalancer l'éparpillement politique par une unité juridictionnelle.

 

Son but était de rendre justice de manière expéditive (les condamnés étaient généralement pendus).

 

Composée initialement d'échevins, elle s'ouvrit ensuite aux chevaliers teutoniques. Elle était composée de 14 juges (7 nobles et 7 bourgeois), tenus au secret quant aux statuts, fonctionnement et délibérations du tribunal.

Son siège central se trouvait à Dortmund, mais de nombreux tribunaux locaux apparurent en Allemagne.

 

La Sainte-Vehme était compétente pour juger :

  • des atteintes au christianisme (paganisme, sorcellerie, hérésies, dégradations d'églises, de cimetières, etc.) 
  • des crimes et délits tels que les vols, les viols, les bagarres, l'adultère, l'homicide, etc.
  • des crimes contre la Sainte-Vehme elle-même : révélation de ses secrets ou atteinte à ses intérêts.

Les victimes étaient généralement torturées avant d'être condamnées aux supplices les plus atroces (roue, écartèlement, tenailles, pendaison, ...).

 

Créée afin de pallier les carences du pouvoir impérial, la Sainte-Vehme perd sa raison d'être avec l'affermissement du pouvoir sous les règnes de Maximilien Ieret de Charles Quint et la restauration de l'autorité de la justice impériale.

 

Provisoirement restaurée pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648), elle disparaît totalement à la fin du XVIII ème siècle, tout en continuant cependant à exercer une fascination morbide sur les mentalités allemandes du XIX ème siècle.

 


La Sainte Vehme

Généralités
Cette corporation mal connue chargée de régler les affaires de justice se présente comme un cas unique dans les Annales et mérite à ce titre une petite digression.

Son rôle dans la machine judiciaire et dans l’application du châtiment se fit particulièrement ressentir dans la province impériale de Westphalie, au XIVème et XVème siècles.

 

Composée de Francs-Juges, la Sainte-Vehme fonctionnait comme une société secrète avec initiation, secret, et hiérarchie. Cumulant les fonctions d’accusateurs, juges et bourreaux, ses membres rendaient des sentences expéditives à l’encontre de toutes sortes de criminels, et pour un champ très large d’accusations.

Comme la société bénéficiait de la double protection de l’Empereur et de l’Eglise, elle connaissait aussi bien des crimes de droit commun que des offenses à Dieu, et seuls les ecclésiastiques, les femmes, les enfants, les Juifs et les païens échappaient à sa juridiction.

On sait qu’elle disposait d’une compétence large : abjuration de la foi, violation de sépulture, usurpation d’autorité, violences, vol, meurtre et incendie… Pour tous ces crimes, la sentence ne connaissait que deux alternatives : innocence ou mort.

Les francs-juges constituaient un dossier d’accusation très fourni et détaillé rappelant nos dossiers d’instruction et faisaient eux-mêmes les assignations à comparaître, scellées par un cachet de cire rouge, remis en personne ou poignardé sur la porte de la maison, que seul le récipiendaire devait ouvrir.

Les sessions avaient lieu la nuit, en secret, dans des lieux isolés comme les forêts ou les marécages, et l’on y faisait le procès de l’accusé (qui devait être présent…) de façon vaguement accusatoire…

L’accusateur accablait une personne qui se défendait comme elle le pouvait en donnant une parole bien négligeable aux yeux de ses juges et jurés.

Quand un accusé était reconnu coupable (le plus souvent), on le traînait jusqu’à l’arbre le plus proche pour l’y pendre, et l’on plantait un couteau dans ledit arbre pour marquer la nature wehmique de l’exécution. Si l’accusé résistait, les juges avaient toute latitude pour l’occire immédiatement.

La fuite également donnait lieu à une chasse sans merci qui finissait par une boucherie pour le fuyard et pour toute personne lui ayant prêté assistance.

Enfin, le flagrant délit ouvrait pour le juge le droit de mise à mort immédiate, et comme la fuite, le droit de se faire aider par tout autre franc-juge, par solidarité, en vue de faire rendre gorge au malfaiteur.

Etymologie
On ne connaît pas le sens exact du mot « vehme ».

Selon d’aucuns, il dériverait du latin « fama » (renommée, réputation) tandis que selon d’autres, il s’agirait d’une forme spécifique de l’Allemand « Fehm » (drapeau, bannière), voire même de l’Arabe « Fehm » (sagesse), lequel aurait été rapporté des Croisades par les chevaliers teutoniques.

Il est certain que les procédures « judiciaires » de la Vehme rappelaient les méthodes expéditives des Croisés et des armées arabes qui s’opposèrent pendant plusieurs siècles pour le contrôle de la prétendue « terre sainte ».

Origines
Charlemagne, vainqueur des Saxons, envoya un ambassadeur au pape Léon III, pour lui demander ce qu'il devait faire de ces rebelles, qu'il ne pouvait ni dompter, ni exterminer. Le Saint père, ayant entendu le sujet de l'ambassade, se leva sans rien répondre et alla dans son jardin, où, ayant ramassé des ronces et des mauvaises herbes, il les suspendit à un gibet qu'il venait de former avec de petits bâtons. L'ambassadeur, à son retour, raconta à Charlemagne ce qu'il avait vu ; et celui-ci institua le tribunal secret de Westphalie, pour forcer les païens du nord à embrasser le christianisme, et pour faire mourir les incrédules.

Une politique barbare autorisa longtemps les jugements ténébreux de ces redoutables tribunaux qui remplirent l'Allemagne de délateurs, d'espions et d’exécuteur. Le tribunal secret connût bientôt de tous les crimes, et même des moindres fautes, de la transgression du décalogue et des lois de l'église, des irrévérences religieuses, de la violation du carême, des blasphèmes.

Son autorité s’étendait sur tous les ordres de l’état ; les électeurs, les princes, les évêques même y furent soumis, et ne pouvaient en être exemptés que par le pape ou par l'empereur.

Par la suite néanmoins, les ecclésiastiques et les femmes furent soustraits de sa juridiction. Plusieurs princes protégèrent cet établissement, parce qu'il leur était utile pour perdre ceux qui avaient le malheur de leur déplaire.

Les Francs Juges et les sentences
Les francs-juges étaient ordinairement inconnus.

Ils avaient des usages particuliers et des formalités cachées pour juger les malfaiteurs ; et il ne s'est trouvé personne à qui la crainte ou l'argent aient été révéler le secret.

Les membres du tribunal vehmique (en allemand, Fehmgericht) parcouraient les provinces, pour connaître les criminels, dont ils prenaient les noms ; ils les accusaient ensuite devant les juges secrets rassemblés ; on les citait ; on les condamnait ; on les inscrivait sur un livre de mort ; et les plus jeunes étaient obligés d’exécuter la sentence.

Tous les membres du tribunal secret faisaient cause commune ; et, quand bien même ils ne s'étaient jamais vus, ils avaient un moyen de se reconnaître qui nous est inconnu, aussi bien que la plupart de leurs pratiques.

Quand le tribunal avait proscrit un accusé, tous les francs-juges avaient ordre de le poursuivre, jusqu’à ce qu'ils l'eussent trouvé ; et celui qui le rencontrait était obligé de le tuer. S'il était trop faible pour se rendre maître du condamné, ses confrères étaient forcés, en vertu d'un serment terrible de se prêter main forte.

Il n'y avait rien à objecter aux sentences de ce tribunal ; il fallait exécuter sur le champ avec la plus parfaite obéissance.

Tous les juges étaient engagés, par un serment épouvantable, à dénoncer, en cas de délit, père, mère, sœur, ami, parent, sans exception ; et à immoler ce qu'ils auraient de plus cher, dès qu'ils en recevaient l'ordre : celui qui ne donnait point la mort à son frère condamné, la recevait aussitôt.

Objectifs
La « sainte » Vehme était ainsi nommée parce qu’elle s’était donnée pour objectif de défendre les Dix Commandements et les principes fondamentaux de la foi chrétienne.

Née en terre germanique (en Westphalie), cette puissante organisation secrète étaient, selon un document datant de 1490, déterminés à poursuivre et condamner :

  • Ceux qui révélaient les « secrets de Charlemagne » (?)
  • Ceux qui pratiquaient ou introduisaient l’hérésie
  • Ceux qui s’écartaient de la foi et tombaient dans le paganisme
  • Ceux qui commettaient un parjure
  • Ceux qui pratiquaient la sorcellerie et la magie ou qui passaient un pacte avec le Malin
  • Ceux qui révélaient les secrets de l’organisation

En outre, les tribunaux de la Vehme jugeaient les délits suivants :

  • Dégradations volontaires commises dans des églises, des chapelles ou des cimetières
  • Vols, Viols, Violences envers des femmes en couches
  • Trahison publique, Brigandage, Tyrannie, Homicides cachés ou publics
  • Vagabondage, Sacrilèges

La « sainte » Vehme se comportait donc comme une branche occulte de la Sainte Inquisition, une branche qui ne relevait pas de l’autorité cléricale. Son organisation préfigure celle des loges maçonniques (qui n’apparaîtront qu’au XVIIIème siècle) et plus particulièrement de la « maçonnerie noire ».

 

Organisation
Au sein de cette « société », le groupe le plus actif était celui des « Schoppen », lesquels étaient recrutés par un haut dignitaire du Tribunal et initiés d’une manière particulière.

Avant d’être admis à titre définitif, le recruté passait par les stades de l’« Ignorant » puis par celui de «Sage » ou « Connaissant »(Wissende).

Pour son initiation, le candidat devait se présenter tête nue devant le Tribunal et répondre aux questions portant sur sa probité et ses qualifications. Puis, genou à terre, le pouce et l’index posés sur la lame d’une épée et sur une hart, il prêtait le « Grand Serment » en présence du « Comte » de la société.

Les tribunaux vehmiques se déplaçaient d’une région à une autre.

Dans certains cas, leur venue était annoncée et les habitants qui se savaient coupables d’un délit grave ou d’un crime avaient le droit de quitter le pays dans les vingt-quatre heures qui suivaient l’ouverture du procès public. Mais s’ils étaient toujours là à l’expiration du délai, le pasteur leur administrait les sacrements et ils étaient froidement exécutés par le bourreau (généralement par pendaison).

Les sentences allaient de la proscription à la mort en passant par la dégradation publique. Les corps des pendus étaient abandonnés aux corbeaux et aux bêtes de proie tandis que leurs biens étaient confisqués. Les prévenus qui prenaient la fuite avant de comparaître étaient déclarés « Fehmbar » (punissables par le Vehme).

Tout groupe de trois initiés qui venait à le rencontrer avait le droit, et même le devoir, d’exécuter la sentence.

Les juges secrets de la Vehme vivaient au milieu de la population et certains d’entre eux avaient la réputation d’être « très humains ». Ils n’étaient pas autorisés à prévenir quelqu’un verbalement, ou par écrit, des poursuites dont il allait être l’objet mais, bien souvent, ils s’arrangeaient pour lui indiquer, par signes, qu’il était placé sous surveillance. Un vieux livre de droit expose les méthodes de la Cour vehmique du duché de Brunswick. On y apprend que des « Fehmenotes » (informateurs de la Vehme) étaient sélectionnés pour surveiller les citoyens et fournir des renseignements sur les agissements des suspects (à la manière des « patrouilles arabes » d’Anvers). C’est sur la base de ces rapports que la Cour vehmique décidait de se transporter à tel ou tel endroit pour juger tel ou tel individu ou groupe d’individus, voire l’ensemble de la population.

 

La Convocation
Quelquefois on sommait l'accusé de comparaître, par quatre citations. Souvent aussi, au mépris de toutes les formes judiciaires, on le condamnait sans le citer, sans l'entendre, sans le convaincre. Un homme absent était légalement perdu ou assassiné, sans que l'on connût ni le motif, ni les auteurs de sa mort.

Il n'était point lieu qui ne pût le cacher et le mettre à l'abri de toute surprise. Les sentences se rendaient toujours au milieu de la nuit. Ceux qui étaient chargés de citer l'accusé épiaient, dans les ténèbres, le moment favorable pour afficher à sa porte la sommation de comparaître devant le tribunal des invisibles.

Les sommations portaient d'abord le nom du coupable, écrit en grosses lettres, puis le genre de ses crimes vrais ou prétendus, soit comme sorcier, ou comme traître, ou comme impie etc. ..., ensuite ces mots : « Nous, les secrets vengeurs de l'Eternel, les juges implacables des crimes, et les protecteurs de l'innocence, nous le citons d'ici à trois jours, devant le tribunal de Dieu. Comparais, comparais ! »

La personne citée se rendait sur un carrefour où aboutissaient quatre rues. Un franc-juge masqué et couvert d'un manteau noir s’approchait lentement en prononçant le nom du coupable qu'il cherchait. Il l'emmenait en silence et lui jetait sur le visage un voile épais pour l’empêcher de reconnaître le chemin qu'il parcourait. On descendait dans une caverne. Tous les juges étaient masqués et ne parlaient que par signes, jusqu'au moment du jugement. Alors, on sonnait une cloche ; le lieu s'éclairait, l'accusé se trouvait au milieu d'un cercle de juges, vêtus de noir. On lui découvrait le visage, et on procédait à son jugement.

 

Disparition & Résurgence
Un tribunal si détestable, sujet à des abus si criants et si contraires à toute raison et à toute justice, subsista pourtant pendant plusieurs siècles en Allemagne. Il devint si terrible que la plupart des gentilshommes et des princes furent obligés de s'y faire agréer.

Vers la fin du XIVème siècle, on le vit s’élever tout à coup à un degré de puissance si formidable, que l'Allemagne entière en fut épouvantée.

Quelques historiens affirment qu'il n'y avait à cette époque, dans l'empire, plus de cent mille franc-juges qui, par toutes sortes de moyens, mettaient à mort quiconque avait été condamné par leur tribunal. Dès que la sentence était prononcée, cent mille assassins étaient en mouvement pour exécuter, et nul ne pouvait se flatter d'échapper à leurs recherches.

On raconte que le Duc Fréderic de Brunswick, condamné par les francs-juges, s'étant éloigné de sa suite, à peu près de la portée d'un arc, le chef de ses gardes, impatienté de sa longue absence, le suivit, le trouva assassiné, et vit encore le meurtrier s'enfuir.

Enfin, après avoir été reformé à plusieurs reprises, par quelques empereurs qui rougirent des horreurs que l'on commettait en leur nom, le tribunal secret souillé de tant de crimes, fut entièrement aboli par l'empereur Maximilien Ier au commencement du XVIème siècle.
Les tribunaux secrets de la Vehme ne furent jamais totalement abolis par les autorités. Tout au plus furent-ils « réformés » par certains monarques. Et l’on prétend que les « loups garous » nazis (groupes qui refusèrent la capitulation et continuèrent à harceler les troupes d’occupation jusqu’à la fin des années 1940), tout comme les « organisations de résistance à l’occupation communiste » (en Allemagne de l’Est) étaient des résurgences de la « Chevalière et Sainte Vehme ».

Sources: divers site web

 

Bibliographie sommaire :  

Les Francs-Juges de la Sainte-Vehme, de Jean-Pierre Bayard, Éditions DUALPHA, 2004

La Sainte Vehme, roman de Benoit Pierre, Éditions Albin Michel,1958


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